CULTURE FONGICIDE,
à quand un safe space pour le vivant ?

«Reconnaître et éliminer les moisissures dans la maison »
« Moisissures au mur : comment s’en débarrasser »
« Huit astuces pour éliminer les traces de moisissures »

Sont autant de résultats qu'internet vous proposera si jamais vous deviez rechercher des informations sur les moisissures. J'ai pour habitude, parce que je suis née à l'aube du 21ème siècle et parce que j'ai – du plus loin que je me souvienne – toujours disposé de cet accès à l'information en ligne, d'aborder sujet par une requête dans un navigateur. Après m'être sûrement confrontée à quelques refus du moteur d’obtempérer à d'obscures recherches (pour m'envoyer le plus souvent vers l'orthographe exacte des dites recherches) c'est assez singulièrement que je constate que le terme « moisissure » est indissociable de la perspective de sa destruction.
Internet c'est un miroir qui regarde penser l'humanité, une démonstration de la vision hégémonique de l'Homme sur le vivant. Cependant, il semblerait que ces derniers temps, les cartes aient été rebattues. Peut-être est-ce le moment de s’engouffrer dans la brèche, de donner de l'espace et de la reconnaissance à ces organismes largement marginalisés.
Alors même que nous ne savons encore rien des moisissures, nous voici déjà confrontés à deux problèmes. En apparence, il est extrêmement difficile de faire des recherches objectives quand quelques deux millions de résultats vous poussent à exterminer vos sujets de recherche sans ménagement. Ensuite, les comportements destructeurs de l'Homme envers les moisissure - et le vivant en général - sont complètement normalisés, voir même encouragés, par la société. Cela évoque l'existence d'une réelle culture de l’aseptisation et du fongicide.
Pour accéder à ces informations, il va falloir mener des études sur le terrain avec les moisissures. Cependant, il m'est vite apparue que je ne pouvais les traiter comme des bêtes de laboratoire. Les moisissures sont des organismes fragiles nécessitant un milieu et des conditions particulières pour se développer sereinement. J'ai donc débuté mes recherches par l'observation des moisissures à l'état sauvage, et non pas par leur culture. Il cohabite dans ma cave une foule de remarquable spécimens. Certaines colonies étaient déjà établies bien avant mon emménagement, sur les plâtres et les boiseries. Sur une porte posée à l'horizontale, j'ai assisté à la naissance d'un monde entier. Comme nous, les moisissures respirent, mangent et se reproduisent. Peut-être pensent-elles même ? Ou du moins possèdent-elles une conscience collective, une forme d'intelligence fongique inhérente à leur survie ?

De fil en aiguille, ces aventures autour des mycètes m'ont ensuite menée à la rencontre de Maïtu, un petit laboratoire à Anderlecht où de jeunes designers cherchent à utiliser les champignons comme matériaux de remplacement contre l'industrie polluante du textile.
En parallèle, je prenais énormément de plaisir à mettre en place des procédés alternatifs de développement de films en super 8 avec le laboratoire de l'erg. C'est ainsi que la forme de mon projet final m'est apparue comme ce que je désirais véritablement créer. Une forme qui se situerait au détour du safe-space, de la matière et de l'expérience tantôt picturale ou plastique, tantôt relationnelle.
Ce site internet va tenter de reprendre chronologiquement l’enchaînement des événements. C'est ainsi que je désire le présenter. Jour après jour, élément par élément, pour extraire du souvenir les détails anodins dont sont construite les évidences.

Bonne visite,
Lena Bruyère
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